Cannabis: la loi belge est-elle cohérente ?

Malgré la prohibition du cannabis, la consommation de ce produit reste élevée en Belgique et les quantités saisies ne fléchissent pas. Quel est le cadre législatif propre au cannabis en Belgique? Comment a-t-il évolué? Est-il satisfaisant à l’heure actuelle? Voilà les questions que nous abordons dans cet article, tandis que les associations actives en matière de toxicomanie plaident pour l’émergence d’un nouveau modèle de réglementation pour le cannabis.

Malgré la prohibition du cannabis, la consommation de ce produit reste élevée en Belgique et les quantités saisies ne fléchissent pas. Quel est le cadre législatif propre au cannabis en Belgique? Comment a-t-il évolué? Est-il satisfaisant à l’heure actuelle? Voilà les questions que nous abordons dans cet article, tandis que les associations actives en matière de toxicomanie plaident pour l’émergence d’un nouveau modèle de réglementation pour le cannabis.

Malgré une tendance à la baisse de la consommation chez les jeunes, le Flash Eurobaromètre de 2014 révélait en août dernier que 26% des Belges de 15 à 24 ans avaient déjà expérimenté le cannabis au moins une fois dans leur vie.(1) De plus, le nombre et les quantités de cannabis saisis sur le territoire belge ne fléchissent pas, le prix de vente reste relativement stable si l’on tient compte de l’inflation. Et la pureté (en THC) de l’herbe et de la résine de cannabis augmente globalement dans le temps.(2)

Echec de la prohibition

En Belgique, c’est le système prohibitif qui prévaut, car mis à part une relative tolérance en matière de détention de petite quantité de cannabis pour les personnes majeures, la consommation et la vente sont strictement interdites. Malgré ce système prohibitionniste, l’offre de cannabis n’est pas impactée, ce qui remet en question l’efficacité de cette l’approche (3), selon laquelle elle devrait, si elle était efficace, entraîner une diminution de la disponibilité des produits et de leur pureté, ainsi qu’une augmentation de leur prix.

On peut dès lors se demander si la politique de prohibition du cannabis est effectivement cohérente.

Libre appréciation du juge et du policier

La loi du 24 février 1921 punit le trafic de substances vénéneuses, soporifiques, stupéfiantes, désinfectantes ou antiseptiques. Toutefois, cette loi a été modifiée par deux fois dans les années 2000.

En 2003, la « loi cannabis » est venue modifier la loi du 24 février 1921. Elle prévoit que pour toute détention de cannabis (incluant l’usage personnel), la police doit dresser un procès-verbal ; que le juge ne peut plus sanctionner spécifiquement les « nuisances publiques » ; et que la quantité pour l’usage personnel est laissée à l’appréciation du juge. (4) Cette loi a rapidement fait l’objet de modifications en raison notamment de l’un de ses articles jugé discriminatoire, prévoyant qu’il revenait au policier d’établir si l’usage de cannabis était problématique ou non. Ainsi, il revenait au policier d’établir un diagnostic médical/psychologique de l’usager « problématique », alors qu’il n’est pas compétent dans ce domaine.

Des flous juridiques subsistent

En 2005, la directive commune de la ministre de la Justice et du collège des procureurs généraux (5) est venue remplacer la loi cannabis.(6) Cette dernière tente de remédier aux lacunes de la loi précitée, laissant à nouveau certains flous. La directive prévoit par exemple que la détention de 3 grammes maximum (ou d’une plante) de cannabis par une personne de plus de 18 ans et destinés à l’usage personnel doit constituer le degré le plus bas de la politique des poursuites, sauf circonstances aggravantes (présence d’un mineur au moment des faits) ou trouble à l’ordre public.(7)

La directive définit les circonstances constituant un trouble à l’ordre publique comme étant « la détention de cannabis dans un établissement pénitentiaire ou dans une institution de protection de la jeunesse, la détention de cannabis dans un établissement scolaire ou dans ses environs immédiats, la détention ostentatoire de cannabis dans un lieu public ou un endroit accessible au public ».

Qu’entend cette directive par détention «ostentatoire» ? Et à partir de quel moment un usager ne se situe plus dans les «environs immédiats» d’un établissement scolaire ? La directive ne précise pas ces termes. Pourtant, c’est sur cette base que les forces de l’ordre décideront -ou non- qu’une personne (ou usager) a troublé l’ordre publique et doit faire l’objet de poursuites.(8)

Saisir l’occasion pour repenser la loi

Aujourd’hui, des imprécisions et des vides subsistent donc dans cette directive. Il serait donc opportun de revoir en profondeur l’arsenal législatif propre au cannabis en Belgique. D’autant plus qu’à la lumière des enquêtes et des données épidémiologiques, il démontre ses limites et confirme l’inefficacité de l’approche prohibitionniste.

  • Tous les chiffres relatifs au cannabis et à l’échec de la prohibition dans le rapport d’Eurotox « L’usage des drogues en FWB, 2013-1014 », p.61 et suivantes – Téléchargez le rapport sur http://www.eurotox.org/
  • Lire aussi l’évaluation de la politique actuelle en matière de cannabis et la proposition de réglementation des Fédérations bruxelloise, flamande et wallonne sur: http://feditobxl.be/

 

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(1) Voir notre actualité précédente : Augmentation-de-la-consommation-de-legal-highs-en-belgique-et-en-europe(2) D’après les données recueillies par Eurotox, les forces de l’ordre et l’Institut de santé public (ISP). Voir aussi : Eurotox, L’usage de drogues en FWB, rapport 2013-2014, Bruxelles, 2014
(3) Voir Werb et al., 2013
(4) Loi publiée le 6/02/2003 dans le Moniteur belge
(5) Nom complet : Directive commune de la ministre de la Justice et du collège des procureurs généraux relative à la constatation, l’enregistrement et la poursuite des infractions en matière de détention de cannabis
(6) Directive publiée le 31/01/2005 au MB
(7) Les circonstances constituant un trouble à l’ordre publique étant : la détention de cannabis dans un établissement pénitentiaire ou dans une institution de protection de la jeunesse, la détention de cannabis dans un établissement scolaire ou dans ses environs immédiats, la détention ostentatoire de cannabis dans un lieu public ou un endroit accessible au public (p. ex. un hôpital).
(8) Un PVS mentionne le lieu et la date des faits, le type et la quantité de produit, l’identité complète de l’auteur et sa version des faits. Il sera conservé sur un support électronique au service de police et pourra ensuite être classé sans suite par le Parquet.



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