« Un jeune sur trois fume des joints en Belgique »: Ah bon?

Le Soir du 24 février 2009 nous apprend que le représentant de la Belgique à l’OICS (Organe International de Contrôle des Stupéfiants, Nations Unies) a délivré en conférence de presse (courant de la troisième semaine de février) des informations scientifiquement fausses concernant la consommation de cannabis en Belgique. (1)


Ces allégations ont induit en erreur les journalistes qui ont assisté à cette conférence de presse, comme en témoignent certains passages qu’elle leur a inspiré :

« La Belgique compte la plus grande quantité de jeunes fumeurs de cannabis au monde », titrait ainsi le Standaard à la suite de cette entrevue, tandis que De Morgen avançait: « Plus de 30% des jeunes Belges de 14 à 16 ans ont fumé du cannabis l’an dernier », indicateur qui révélerait donc un usage régulier pour cette hallucinante proportion de la population scolaire.

Ces chiffres sont erronés. Mais d’où proviennent-ils?

De la bouche d’un ancien fonctionnaire belge des affaires étrangères, monsieur Raymond Yans, siégeant aujourd’hui pour la Belgique à l’OICS. Ce dernier, par ses allégations, transforme en fait les résultats d’une enquête récurrente: l’enquête HIS menée par l’Institut de Santé Publique (dernière levée: 2004) (2). Cette enquête révélait en réalité que près d’un tiers des jeunes Belges avaient déjà expérimenté le cannabis. Or, dans les enquêtes de prévalence, un usage unique (une fois dans la vie) suffit à constituer cette expérimentation. Donc, la vérité scientifique est: « près d’un jeune Belge sur trois déclare avoir essayé une fois ou plus, dans sa vie, le cannabis ».

Monsieur Yans est un « ancien » du ministère belge des affaires étrangères. Il y fut directeur de la cellule Drogues (dans le cadre de la Coopération judiciaire internationale).

Fervent adepte de la prévention primaire (évitement de la consommation), comme le souligne l’article de monsieur Lallemand, monsieur Yans, prit notamment la parole en 2006 sur ce sujet au sein du « Conseil interparlementaire consultatif du Benelux » où il représentait encore les Affaires Etrangères belges, et y tint des propos anti-cannabis, anti-coffee shops et anti-Pays Bas. Ceux-ci furent si violents que des parlementaires néerlandais, mais aussi luxembourgeois et surtout belges, le contrèrent avec force, le déclarant « simpliste », « caricatural » et « cynique ».

Or, même en 2006, la tendance des politiques de santé avait déjà évolué de longue date vers l’encadrement des consommations et la réduction des risques. On rappellera ainsi que la note politique fédérale « drogues » de 2001, qui sert de fil conducteur à la politique des drogues et usages de drogues en Belgique depuis sa parution, prône les 3 points suivants :

  • prévention pour les non consommateurs et les consommateurs non problématiques ;
  • assistance, réduction des risques et réinsertion pour les consommateurs problématiques ;
  • répression pour les producteurs et les trafiquants.

Autant de considérations d’accompagnement et de promotion de la santé, pour la plupart (sauf contre les producteurs et les trafiquants), bien éloignées du fonctionnement en tout ou rien de monsieur Yans. Notons que le premier point (« prévention »), inclut dans son public-cible les consommateurs « non problématiques » (soit, selon la note, les consommateurs qui n’ont pas perdu le contrôle de leur consommation).

Nous rappellerons pour terminer avec Line Beauchesnes, que nombre d’administrations qui ont été créées puis se sont construites sur la guerre à la drogue, ont eu tendance à maintenir, contre le cours du temps, les circonstances et les représentations qui ont occasionné leur création, par simple peur de voir leurs budgets disparaître et avec eux leurs jobs. Cela, même si la société a évolué entre-temps, et avec elle les représentations et les politiques. (3)

(1) LALLEMAND A. Quelques demi-vérités, pas un seul rectificatif. Le Soir, 24 février 2009. Bruxelles.
(2) Bayingana K, Demarest S, Gisle L, Hesse E, Miermans PJ, Tafforeau J, Van der Heyden J.. Enquête de santé par interview, Belgique, 2004. Institut Scientifique de Santé Publique, Service d’Epidémiologie. Bruxelles, 2006.
(3) BEAUCHESNE, L. Les coûts cachés de la prohibition. Montréal : éditions Lanctôt, 341 pages, mai 2003. Réédité et mis à jour en 2006 chez Bayard Canada, Montréal.



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