Rapport européen sur les drogues 2017 de l’EMCDDA

L’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (EMCDDA) publie aujourd’hui son rapport européen sur les drogues 2017. Parmi les tendances et évolutions les plus marquantes, le rapport souligne notamment l’augmentation du nombre de décès par overdose, la disponibilité permanente de nouvelles substances psychoactives et la menace croissante pour la santé que représentent les opiacés de synthèse à forte teneur en principe actif. Il examine également l’évolution des politiques en matière de cannabis.

Hausse des décès par overdose pour la 3ème année consécutive

Au total, on estime à 8 441 le nombre de décès par overdose, principalement associés à l’héroïne et à d’autres opiacés, qui se seraient produits en Europe en 2015 (dans les 28 états membre de l’UE, la Turquie et la Norvège), soit une augmentation de 6 % par rapport à l’estimation dans ces 30 pays en 2014.

Les opiacés utilisés dans les traitements de substitution – principalement la méthadone et la buprénorphine haut dosage – sont également couramment mentionnés dans les rapports toxicologiques. Selon les dernières données disponibles, le nombre de décès enregistrés liés à la méthadone a dépassé celui des décès liés à l’héroïne au Danemark, en Irlande, en France et en Croatie, ce qui montre qu’il est nécessaire de mettre en place de bonnes pratiques cliniques afin de prévenir le détournement de ces substances.

Les actions visant à prévenir les overdoses en Europe incluent la mise à disposition de salles de consommation de drogue à moindre risque (SCMR) et la délivrance de naloxone destinée à une administration à domicile pour les consommateurs d’opiacés, leurs pairs et les membres de leur famille. Des SCMR sont actuellement opérationnelles dans six pays de l’UE (Danemark, Allemagne, Espagne, France, Luxembourg et Pays-Bas) et en Norvège. Des programmes de distribution de naloxone destinée à une administration à domicile existent actuellement dans neuf pays de l’UE (Danemark, Allemagne, Estonie, Irlande, Espagne, France, Italie, Lituanie et Royaume-Uni) ainsi qu’en Norvège.

Un rythme d’apparition de nouvelles drogues ralenti, mais une disponibilité toujours globalement élevée

Les nouvelles substances psychoactives (nouvelles drogues ou nouveaux produits de synthèse) représentent toujours un défi considérable pour la santé publique en Europe. Ces substances, qui ne sont pas assujetties aux mesures de contrôle international, couvrent une vaste gamme de produits de synthèse, tels que des cannabinoïdes, des cathinones, des opiacés et des benzodiazépines.

En 2016, 66 nouvelles substances psychoactives ont été détectées pour la première fois via le système d’alerte précoce de l’Union européenne (EWS). Bien que ce nombre révèle un ralentissement de l’introduction de nouvelles substances sur le marché (98 substances avaient été détectées en 2015), le total de substances désormais disponibles reste élevé. Fin 2016, l’EMCDDA surveillait plus de 620 nouvelles substances psychoactives (contre 350 environ en 2013).

Plusieurs facteurs peuvent expliquer le ralentissement des nouvelles détections en Europe. Certains États membres ont légiféré (notamment pour mettre en place des interdictions globales et des contrôles génériques ou analogues). Ceci a débouché sur un environnement juridique plus restrictif, au sein duquel les producteurs peuvent être moins tentés de pratiquer un « jeu du chat et de la souris » avec les autorités de réglementation. Le fait que la Chine ait pris des mesures de contrôle et mené des opérations répressives ciblant les laboratoires produisant de nouvelles substances psychoactives peut aussi expliquer ce ralentissement.

En 2015, près de 80 000 saisies de nouvelles substances psychoactives ont été signalées dans le cadre de l’EWS (voir figure ci-dessous). Ensemble, les cannabinoïdes de synthèse et les cathinones de synthèse représentaient en 2015 plus de 60 % de toutes les saisies de nouvelles substances (plus de 47 000).

Nouveaux opiacés de synthèse : des substances à forte teneur en principe actif représentant une menace croissante pour la santé

En Europe comme en Amérique du Nord, les opiacés de synthèse à forte teneur en principe actif, qui imitent les effets de l’héroïne et de la morphine, représentent une menace croissante pour la santé. Si elles occupent une faible part du marché, les signalements relatifs à leur apparition et aux problèmes qu’elles causent sont de plus en plus nombreux, notamment leur implication dans des intoxications mortelles ou non. Entre 2009 et 2016, 25 nouveaux opiacés de synthèse (dont 18 fentanyls) ont été détectés en Europe.

Ces substances revêtent différentes formes. Il s’agit essentiellement de poudres, de comprimés et de gélules et certains de ces produits sont désormais vendus sous forme de liquides et de pulvérisateurs nasaux.

Les fentanyls font l’objet d’une surveillance spécifique. Ces substances, dont la teneur en principe actif est exceptionnellement élevée (parfois beaucoup plus que l’héroïne), représentaient plus de 60 % des 600 saisies de nouveaux opiacés de synthèse signalées en 2015. Huit nouveaux fentanyls ont été signalés via l’EWS pour la première fois pour la seule année 2016. Ces substances entraînent de graves risques d’intoxication, non seulement pour leurs consommateurs, mais aussi pour les personnes pouvant y être exposées accidentellement (par exemple en cas de contact avec la peau ou d’inhalation), comme les travailleurs des services postaux, les agents des douanes et le personnel des services d’urgence.

Évolution mondiale des politiques en matière de cannabis : quelles incidences pour l’Europe ?

Quelques 87,7 millions d’adultes européens (âgés de 15 à 64 ans) ont déjà consommé du cannabis à un moment ou l’autre de leur vie. Parmi ces consommateurs, 17,1 millions de jeunes Européens (âgés de 15 à 34 ans) auraient consommé cette substance au cours de l’année écoulée. Environ 1% des adultes européens consomment quotidiennement ou quasi quotidiennement du cannabis (soit un usage pendant 20 jours ou plus au cours du mois écoulé). Les résultats des enquêtes les plus récentes montrent que la consommation de cannabis au cours de l’année écoulée continue de diverger d’un pays à l’autre (voir figure ci-contre).

Dans les 28 États membres de l’UE, les approches actuelles à l’égard de la réglementation et de la consommation du cannabis sont variées et oscillent entre des modèles restrictifs et la tolérance pour certaines formes d’usage personnel. Cependant, aucun gouvernement national en Europe n’a actuellement exprimé son soutien à la légalisation du cannabis destiné à un usage récréatif. Indépendamment de toute incidence plus large sur la politique antidrogue, l’existence d’un marché du cannabis commercialement réglementé dans certains pays en dehors de l’Europe favorise l’innovation et le développement de produits (tels que les vaporisateurs, les liquides pour cigarettes électroniques et les produits comestibles), ce qui pourrait, avec le temps, influer sur les habitudes de consommation en Europe. À cet égard, le rapport souligne l’importance d’un suivi et la nécessité d’évaluer les incidences potentielles sur la santé de tout changement futur.



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