Le chemsex à Bruxelles : résultats d’une étude exploratoire

L’observatoire du Sida et des sexualités a récemment publié les résultats d’une enquête exploratoire sur le chemsex à Bruxelles. Nous en résumons ici les principaux résultats.

Le chemsex (contraction de « chemicals » et de « sex ») est un terme qui désigne l’utilisation de substances psychoactives dans le cadre de rapports sexuels. Cette pratique est fortement assimilée au milieu gay, aux personnes bisexuelles et aux HSH[1], et a été abondamment illustrée à travers le slamming[2], auquel il ne se limite pourtant pas. L’utilisation de substances psychoactives pour améliorer les performances ou sublimer le plaisir lors de rapports sexuels est en effet une pratique ancienne qui ne concerne pas uniquement ces milieux. Le chemsex semble toutefois y avoir pris de l’ampleur ces dernières années, et fait l’objet d’une couverture médiatique et scientifique, ce qui contribue aussi à sa visibilité. L’enquête exploratoire met en évidence que cette pratique existe aussi dans le milieu gay[3] à Bruxelles, qu’elle peut prendre différentes formes et qu’elle peut être associée à certaines prises de risque et conséquences sur le plan sanitaire.

L’enquête réalisée en 2016 reposait sur un questionnaire en ligne largement diffusé sur les réseaux et applications de rencontre gay, à travers les groupes Facebook et les pages officielles de partenaires, via des mailing listes ainsi qu’à l’aide d’une distribution de flyers dans les saunas et cinémas gays ainsi que des bars et événements festifs[4]. Malgré cet effort de diffusion, le questionnaire n’a été totalement complété que par 362 personnes. Comme toute enquête en ligne sans méthode d’échantillonnage, les résultats n’ont pas la prétention de représenter les pratiques chemsex des communautés/personnes LGBT[5] ni même des personnes homosexuelles. Les résultats fournissent néanmoins un éclairage sur ces pratiques parmi un échantillon (pas forcément représentatif) de personnes qui les pratiquent à une fréquence variable.

Le questionnaire a été complété par 362 personnes, dont 62% ont déclaré avoir pratiqué le chemsex au cours de 12 derniers mois (40% à Bruxelles). Les chemsexers sont majoritairement des hommes (95,6%) et se déclarent homosexuels (85,8%) ou bisexuels (8,4%). Le profil sociodémographique de l’échantillon total et des chemsexers est détaillé dans le tableau 1.

Tableau 1. Profil sociodémographique de l’échantillon total et des chemsexers

La fréquence de participation à des plans chem est très variable selon les répondants : 27% des chemsexers ont au moins un plan chem par semaine, 30% un par mois, et une petite moitié plus occasionnellement. En ce qui concerne le nombre de partenaires déclarés lors du dernier plan chem, 41% des répondants ont eu un seul partenaire, 34% entre 2 et 4 partenaires, et environ 25% 5 partenaires ou plus. Les plans chems auxquels les répondants ont participé les 12 derniers mois se déroulaient le plus souvent à la maison avec un partenaire régulier ou occasionnel (70%), à la maison avec plusieurs partenaires réguliers ou occasionnels (44%) ou dans un club privé (44%). Le premier plan chem sex était le plus souvent motivé par la recherche de nouvelles sensations (61,3%), la réalisation de fantasmes sexuels (41,3%), une demande d’un partenaire (25,8%) ou encore par l’envie de se redonner confiance (13,3%).

En termes de consommation, le poppers (81,8%), l’alcool (71,6%) et le viagra (63,6%) sont les produits les plus consommés lors des plans chem, suivi par la cocaïne (56,4%), le GHB (51,1%) et l’ecstasy (51,1%). Les psychostimulants habituellement associés dans la littérature à la pratique du chemsex (méphédrone, speed, méthamphétamine) sont consommés lors des plans chem par environ un quart voire un tiers des chemsexers.

Figure 1. Produits les plus consommés (en %) par les chemsexers durant les plans chem au cours des 12 derniers mois

La plupart des chemsexers consomment également des substances psychoactives en dehors des plans chem. La plupart des produits sont consommés à la fois lors de plans chem et en dehors. Néanmoins, certains produits, en particulier le viagra, le GHB/GBL, la méphédrone, la kétamine et la méthamphétamine, sont beaucoup plus spécifiquement consommés dans un contexte chemsex qu’en dehors (voir tableau 2).

Lors des plans chem ayant eu lieu les 12 derniers mois, les produits sont le plus souvent sniffés (71%), ingérés (65%) ou inhalés (56%). Le recours au plugging (voie anale) et à l’injection sont nettement moins fréquents (16% et 15% respectivement). Les slammeurs ne se distinguent pas des autres chemsexers sur le plan socioéconomique, mais la proportion de personnes séropositives y est plus importante (60% contre 33% de l’ensemble des chemsexers). Le partage de matériel d’injection (seringues, aiguilles, etc.) au cours des plans chem concerne 18% des répondants ayant recours à l’injection.

Tableau 2. Produits consommés dans et en dehors de plans chem par les chemsexers ayant déclaré consommer également en dehors des plans chem les 12 derniers mois

Cette enquête met en évidence que le chemsex est une pratique qui peut prendre différentes formes, se dérouler dans différents contextes, répondre à des motivations diverses et avoir des conséquences variables. Le slam, qui en est la version stéréotypée extrême, reste peu courant parmi les répondants. L’enquête fourni des informations précieuses sur le profil des chemsexers, sur les produits consommés dans et en dehors des plans chem, sur les modes de consommation à risque, sur les conséquences perçues des plans chem, etc. On regrettera toutefois qu’elle ne précise pas la fréquence de consommation des produits, ni la fréquence de recours aux modes de consommation à risques, et n’aborde pas la question de la polyconsommation. Il aurait également été intéressant de connaître la proportion de chemsexers qui ne consomment que de l’alcool ou du cannabis lors des plans chem, et d’investiguer dans quelle mesure les plans chem constituent une porte d’entrée vers l’usage de drogues (initiation à de nouveaux produits, développement d’un usage régulier, etc.).

Le rapport complet : Une recherche exploratoire sur le chemsex parmi les gays, bisexuels et autres HSH dans la Région de Bruxelles-capitale (Jonas Van Acker, 2017)

[1] Hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes.

[2] Le slam est une pratique qui consiste à s’injecter par voie intraveineuse des psychostimulants (amphétamines, cathinones synthétiques, etc.) au cours d’orgies sexuelles pouvant durer plusieurs jours.

[3] La majorité des répondants étaient des hommes à orientation homosexuelle.

[4] Un remplissage via des tablettes reliées à Internet a également été effectué dans ces évènements festifs.

[5] Lesbiennes, gays, bisexuel.le.s et transgenres.



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