Rapport européen sur les drogues 2018 de l’EMCDDA

L’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (EMCDDA) vient de publier son rapport européen sur les drogues 2018.

Parmi les tendances et évolutions les plus marquantes, l’EMCDDA rapporte les signes d’une hausse de la production de drogues en Europe et la persistance du défi que représentent les nouvelles substances psychoactives. Il attire également l’attention sur l’importance de développer un meilleur accès à la naloxone et de répondre aux besoins sanitaires et sociaux des détenu·e·s usager·e·s de drogue.

Le rapport souligne que, si les tendances mondiales en matière de drogues ont une incidence sur les évolutions observées en Europe, ces dernières ont elles aussi une influence sur les premières. Les unes ne vont dès lors pas sans les autres, lorsque l’on étudie les facteurs qui semblent influer sur les tendances en matière d’usage de drogues et sur les problèmes de santé, de société et de sécurité qui s’y rapportent.

Des changements peuvent dès lors survenir rapidement, risquant de mettre à défaut les modèles politiques et de réponse existants, ainsi que le contrôle des drogues actuel. Il est donc nécessaire de mettre en place les outils de détection et de monitoring permettant d’anticiper ces changements et d’y réagir efficacement.

Signes d’une hausse de la production de drogues en Europe

Concernant la MDMA, l’EMCDDA rapporte que l’Europe est un producteur majeur qui exporte ses produits vers d’autres régions du monde. De même, la production européenne de cannabis s’est subtilisée dans une certaine mesure à l’importation.

Les données suggèrent que la production de cocaïne et d’héroïne est en augmentation à l’échelle mondiale, mais reste centralisée en Amérique latine et en Asie. L’usage de l’héroïne reste toutefois relativement stable, avec de faibles entrées en consommation. A l’inverse, les indicateurs semblent à la hausse concernant la cocaïne.

La nouveauté en matière d’héroïne est le démantèlement, dans plusieurs pays européens, de laboratoires chargés de transformer la morphine en héroïne. Cette situation découle certainement du fait que l’anhydride acétique, un précurseur chimique central dans la production d’héroïne, est davantage disponible en Europe, et ce, à un coût significativement inférieur.

La production de nouvelles substances psychoactives reste quant à elles aux portes de l’Europe. Toutefois, le rapport souligne que, si les évolutions restent limitées actuellement, tout changement peut avoir rapidement des conséquences sur les problèmes liés à l’usage de drogues.

Nouvelles substances psychoactives, toujours un défi pour la santé publique

Le nombre de nouvelles substances psychoactives détectées grâce au système d’alerte précoce est en diminution depuis le pic atteint en 2015. Les conséquences néfastes de leur usage sur la santé publique restent toutefois élevées. Avec l’arrivée en Europe d’opiacés de synthèse et de cannabinoïdes de synthèse associés à des décès et intoxications aiguës, l’EMCDDA a procédé à l’évaluation des risques d’un nombre sans précédent de substances.

Les dérivés du fentanyl, tout particulièrement, sont un véritable défi pour les services de santé, les services répressifs et en termes de santé publique. Ces substances sont en effet efficaces à partir de très petites doses, faciles à transporter et à dissimuler. Si l’Europe échappe pour le moment à la crise des opiacés que connaissent actuellement les États-Unis, crise à laquelle les dérivés du fentanyl contribuent largement, il n’en reste pas moins que des cas de décès et de surdoses non mortelles associés au fentanyl et ses dérivés sont rapportés à l’EMCDDA. Il importe donc de rester vigilants.

Ventes sur internet : l’Europe au sein d’un marché mondial

Un récent rapport conjoint de l’EMCDDA et Europol estime que les fournisseurs de l’Union européenne étaient à l’origine de près de la moitié des ventes de drogues sur le « darknet » entre 2011 et 2015. Il faut également souligner que si l’attention se porte souvent vers le « darknet », les médias sociaux et le web de surface ont un rôle non négligeable dans la vente de nouvelles substances psychoactives et de médicaments détournés de leur usage initial.

Dans ce contexte, l’EMCDDA attire l’attention sur les nouvelles substances associées aux benzodiazépines. 14 nouvelles benzodiazépines ont en effet été répertoriées par le système d’alerte précoce de l’Union européenne depuis 2015. La disponibilité de ces substances sur le marché de drogues illicites semble en augmentation dans certains pays. Or, ces substances jouent un rôle bien connu dans les décès par surdose d’opiacés (car elles augmentent le risque de dépression respiratoire), bien qu’il soit souvent négligé. L’EMCDDA s’inquiète également d’une possible augmentation de l’usage chez les jeunes et recommande la mise en œuvre d’enquêtes plus approfondies, une considération politique accrue et davantage d’efforts de prévention.

Les conséquences de la hausse de l’offre de cocaïne

L’augmentation de la production de cocaïne en Amérique latin semble désormais avoir des effets sur le marché européen : la disponibilité de ce produit et son usage sont en effet en augmentation. Les prix de la cocaïne sont certes restés stables, mais sa pureté se maintient au plus haut niveau en Europe depuis une dizaine d’années.

Le rapport souligne que, en dehors des cas de dépendance, il est difficile d’évaluer les conséquences de l’usage de cocaïne sur la santé publique, notamment parce que ses effets nocifs sur la santé sur le long terme sont difficiles à documenter. Néanmoins, selon l’EMCDDA, on peut s’attendre à une hausse du nombre de problèmes si la prévalence de l’usage, et surtout des habitudes de consommation à risque (sniff, injection), augmente.

Réagir à la surdose d’opioïdes : le rôle de la naloxone

Le nombre de décès par surdose reste élevé en Europe et, dans la majorité des cas, les opioïdes sont impliqués. La situation risquant de se détériorer avec l’émergence des puissants dérivés du fentanyl sur le marché européen, l’EMCDDA affirme qu’il est plus que jamais nécessaire de mettre en place un meilleur accès à la naloxone, un antagoniste des opioïdes qui contribue à réduire le nombre de surdoses mortelles parmi les usager·e·s d’opioïdes.

L’EMCDDA juge qu’il est urgent de réviser les politiques relatives à la naloxone et d’accroître la formation et la sensibilisation à la fois des usager·e·s de drogues et des professionnel·le·s susceptibles d’être en contact avec ces produits.

Prisons : des lieux importants pour la mise en œuvre de réponses

La rapport met en exergue le fait que le milieu carcéral mérite l’attention et la mise en place de dispositifs d’accompagnement, de prévention et de réduction des risques spécifiques. D’une part, il est central de préparer la sortie de prison, tant sur un plan sanitaire que social, en faisant le lien entre les détenu·e·s sortant et les services d’assistance sociale et les services communautaires de prise en charge.

Aussi, la sortie de prison représente un risque fortement accru de rechute et/ou de surdose pour les (ancien·ne·s) usager·e·s d’opiacés. Ceci s’explique notamment par le retour dans un environnement à risque (en termes d’usage de drogue et/ou de criminalité), la rupture dans la continuité des soins, et une baisse de la tolérance aux opiacés au cours de l’incarcération. C’est pourquoi certains pays ont mis en place des programmes innovants mettant à disposition de la naloxone et une formation aux détenu·e·s sortant de prison.

D’autre part, répondre aux besoins sanitaires et sociaux des détenu·e·s avant qu’ils/elles ne sortent de prison peut apporter une véritable plus-value en termes de santé publique. L’intensification du dépistage et du traitement des maladies infectieuses au sein de la population carcérale, par exemple, participe à la lutte contre le virus de l’hépatite C et du VIH au sein de la population générale.

 



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